Passeurs de mémoire
de la Shoah
Ginette Kolinka Florence Schulmann Joseph Weismann Rosette Wielblad
Les uns ont été déportés, les autres sont nés dans les camps ; certains ont été arrêtés et conduits au Vél d’Hiv, quand d’autres ont passé des années à fuir de cachette en cachette ; les uns ont finalement été libérés, d’autres se sont évadés après avoir traversé une forêt de barbelés. Tous sont des survivants juifs de la Shoah. Il faut les entendre.
« Quand j’étais petite, je n’avais pas de prénom. On me désignait d’un coup de menton en disant : c’est celle qui est née dans le camp. »
Florence Schulmann
Elle est née dans le camp de concentration de Bergen-Belsen au milieu d’un monceau de cadavres. C’est une miraculée et l’une des plus jeunes rescapées de la Shoah encore vivante. Son histoire, Florence, 78 ans, l’a appris par les chuchotements de ses parents entendus à travers la cloison qui séparait sa chambre du salon. Elle nous a reçus chez elle, dans son appartement du 11e arrondissement de Paris. Il faut l’entendre.
« Avec ça, tu auras à peu près tout ce que tu veux dans le camp. »
Toute sa vie durant, sa mère a préféré se taire, ne pas lui parler de sa déportation. Quelques semaines avant sa mort pourtant, elle consent à lui raconter les circonstances miraculeuses de sa naissance. Florence apprend alors qu’elle doit sa survie à un paquet de cigarettes… « C’est la seule chose qu’elle m’ait racontée. »
« Quand j’étais petite, je n’avais pas de prénom. »
Toute son enfance, on l’a surnommée « celle qui est née dans le camp », sans jamais rien lui raconter de son histoire. Elle découvre la Shoah et la déportation, le soir, en entendant les conversations de ses parents à travers la cloison qui sépare sa chambre du salon.
« Pendant que je faisais soi-disant dodo, je les entendais parler et pleurer et hurler et se mordre les poings, c’était terrible… »
« Je racontais que j’étais née à Bergen, en Norvège. »
Enfant de réfugiés juifs polonais, Florence n’obtiendra la nationalité française qu’à l’âge de 14 ans. À l’école, elle souffre de ne pas « être comme tout le monde » et évite à tout prix le sujet de sa naissance. En cachette de ses parents, elle se rend à la messe et rêve d’être habillée en princesse, comme les communiantes.
« Moi je voulais être Française, et le fait d’aller à l’église, je trouvais que c’était bien. »
« Quand la Libération a été signée, pour moi c’était le début de la guerre. »
Seuls survivants de leur famille, dévorés par le chagrin et les stigmates de la déportation, les parents de Florence ont lutté toute leur vie contre la dépression. Pour leur fille, le quotidien, avec son lot de souffrances et de non-dits, a été « lourd à porter ».
« Dans le travail, ils étaient merveilleux, adorés de tout le monde. Mais dès qu’ils rentraient à la maison, c’était le masque, c’était fini, on retournait dans le camp. »
« Je ne voulais pas retourner en Allemagne, ça m’arrachait les tripes en fait. »
Il y a quelques années, encouragée par les siens, Florence trouve le courage de se rendre à Bergen-Belsen, sur le lieu de sa naissance. À son arrivée, des historiennes allemandes lui remettent la preuve de sa naissance : le listing de tous ceux qui sont passés dans le camp.
« Dans l’avion qui me menait à Hanovre, je demandais pardon à mes parents. Je disais, je suis désolée, je n’aurais jamais dû accepter. »
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Passeurs de mémoire de la Shoah
Ginette Kolinka Florence Schulmann Joseph Weismann Rosette Wielblad
Les uns ont été déportés, les autres sont nés dans les camps ; certains ont été arrêtés et conduits au Vél d’Hiv, quand d’autres ont passé des années à fuir de cachette en cachette ; les uns ont finalement été libérés, d’autres se sont évadés après avoir traversé une forêt de barbelés. Tous sont des survivants juifs de la Shoah. Il faut les entendre.
« Quand j’étais petite, je n’avais pas de prénom. On me désignait d’un coup de menton en disant : c’est celle qui est née dans le camp. »
Florence Schulmann
Elle est née dans le camp de concentration de Bergen-Belsen au milieu d’un monceau de cadavres. C’est une miraculée et l’une des plus jeunes rescapées de la Shoah encore vivante. Son histoire, Florence, 78 ans, l’a appris par les chuchotements de ses parents entendus à travers la cloison qui séparait sa chambre du salon. Elle nous a reçus chez elle, dans son appartement du 11e arrondissement de Paris. Il faut l’entendre.
« Avec ça, tu auras à peu près tout ce que tu veux dans le camp. »
Toute sa vie durant, sa mère a préféré se taire, ne pas lui parler de sa déportation. Quelques semaines avant sa mort pourtant, elle consent à lui raconter les circonstances miraculeuses de sa naissance. Florence apprend alors qu’elle doit sa survie à un paquet de cigarettes… « C’est la seule chose qu’elle m’ait racontée. »
« Quand j’étais petite, je n’avais pas de prénom. »
Toute son enfance, on l’a surnommée « celle qui est née dans le camp », sans jamais rien lui raconter de son histoire. Elle découvre la Shoah et la déportation, le soir, en entendant les conversations de ses parents à travers la cloison qui sépare sa chambre du salon.
« Pendant que je faisais soi-disant dodo, je les entendais parler et pleurer et hurler et se mordre les poings, c’était terrible… »
« Je racontais que j’étais née à Bergen, en Norvège. »
Enfant de réfugiés juifs polonais, Florence n’obtiendra la nationalité française qu’à l’âge de 14 ans. À l’école, elle souffre de ne pas « être comme tout le monde » et évite à tout prix le sujet de sa naissance. En cachette de ses parents, elle se rend à la messe et rêve d’être habillée en princesse, comme les communiantes.
« Moi je voulais être Française, et le fait d’aller à l’église, je trouvais que c’était bien. »
« Quand la Libération a été signée, pour moi c’était le début de la guerre. »
Seuls survivants de leur famille, dévorés par le chagrin et les stigmates de la déportation, les parents de Florence ont lutté toute leur vie contre la dépression. Pour leur fille, le quotidien, avec son lot de souffrances et de non-dits, a été « lourd à porter ».
« Dans le travail, ils étaient merveilleux, adorés de tout le monde. Mais dès qu’ils rentraient à la maison, c’était le masque, c’était fini, on retournait dans le camp. »
« Je ne voulais pas retourner en Allemagne, ça m’arrachait les tripes en fait. »
Il y a quelques années, encouragée par les siens, Florence trouve le courage de se rendre à Bergen-Belsen, sur le lieu de sa naissance. À son arrivée, des historiennes allemandes lui remettent la preuve de sa naissance : le listing de tous ceux qui sont passés dans le camp.
« Dans l’avion qui me menait à Hanovre, je demandais pardon à mes parents. Je disais, je suis désolée, je n’aurais jamais dû accepter. »
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